Visite Nocturne.

Messages : 3 Date d'inscription : 31/08/2010

Le soleil avait disparu derrière l’horizon et la nuit tombait lorsque Jolinar distingua les premières tours du château des Ménestrels. Si la raison de son voyage n’avait pas été purement diplomatique et si son cœur n’avait pas été affecté d’une vive colère à ce moment là, il aurait très certainement pris le temps d’admirer la splendeur des lieux et l’architecture remarquable de la demeure. Mais depuis son départ de la maison, il n’avait cessé de ressasser les évènements de la journée. Quelques heures plus tôt, un rapport alarmant lui avait été transmis, faisant état d’une violente agression commise à l’encontre d’Asketill, fidèle ami et zélateur de la Coterie. Fort heureusement, les jours de celui-ci n’étaient plus en danger, et les talentueux guérisseurs coterains veillaient à son rétablissement le plus prompt. Il importait désormais de faire payer l’auteur de cet horrible crime, et c’était là le but de la visite tardive de Jolinar.

La porte d’entrée s’ouvrit dans un grincement sonore. Les rayons de la lune s’infiltrèrent dans la salle mal éclairée, tandis que l’ombre de Jolinar, immobile sur le seuil, dessinait sur le sol gris une forme irréelle. Il s’avança dans le hall, d’un pas lent et prudent. Il n’avait pas oublié que l’agresseur d’Asketill vivait ici et qu’il se trouvait sans doute tout près. A cette idée, Jolinar ne put s’empêcher de serrer de toutes ses forces le pommeau de son épée, Vorung, la buveuse d’âmes. La lueur d’une flamme apparut au fond de la salle.

Une silhouette lui fit signe et l’enjoignit de la suivre. Il fut installé dans une pièce plus confortable pour patienter. Quelques minutes plus tard, l’un des maîtres de la maison l’avait rejoint.

« Merci de me recevoir à une heure si tardive, dit Jolinar, j’espère que vous pardonnerez le caractère totalement impromptu de ma visite. Toutefois l’urgence de la situation exigeait que je me déplace le plus rapidement possible. Je suis Jolinar de la Coterie. »

Il marqua une pause, comme pour s’assurer que chacun de ses mots avait été entendu, avant de poursuivre.

« Je suis porteur d’un message qui retiendra, j’en suis sûr, toute votre attention. Hier, l’un de vos ménestrels a osé s’en prendre sauvagement à Asketill, éminent zélateur de la Coterie, lui causant à cette occasion d'importantes blessures. J’imagine que l’auteur de cet abominable forfait, Winog l'idiot, n’a pas réalisé la portée de ses actes. Il paraît même qu’il nie toute implication. Mais nous ne sommes pas dupes. Sachez que si je ne suis pas un troubadour, je n’en ai pas moins l’oreille musicale. Je sais notamment reconnaître lorsqu’un instrument joue de fausses notes, et je peux vous affirmer que la bouche de Winog n’a sifflé que des paroles fallacieuses, lorsqu'il a essayé de se dédouaner ! Dès lors, vous conviendrez qu’une réparation s’impose. Et à ce sujet, les lois de la Coterie sont claires. Quiconque lève la main sur un Coterain doit s’attendre à être décapité avec la plus grande sauvagerie par nos tortionnaires. Par conséquent, nous demandons à ce que Winog nous soit livré pour être justement châtié. Toutefois, et de façon tout à fait exceptionnelle, la Coterie vous propose une alternative. Si une somme de 100 000 gyps est versée à titre de dédommagement et que Winog présente des excuses publiques, la Coterie s’engage à oublier cet incident. Faute de quoi, la Coterie envisagera une solution plus radicale et se préparera à la guerre. Il serait dommage que ce magnifique château et ses habitants soient anéantis, n’est-ce pas ? Une semaine, c’est le temps que vous avez pour nous faire part de votre réponse. »

Un sourire glacial se forma sur le visage de Jolinar. Son regard, d’une incroyable profondeur, se porta sur son interlocuteur, qu’il devina troublé. Il était temps de faire comprendre à Subirion que la Coterie n’était pas un mythe, et qu’elle avait conservé, malgré les années, toute sa dangerosité. La présence du plus belliqueux des deux Éternels, ce soir, était de nature à le prouver.

Doucement, tout doucement, les notes parcourent la voute de pierre. Elles s'égrènent à un rythme lent et ancien. Certaines ricochent au sol et font briller les runes.
Une nouvelle note profonde comme l'océan s'ajoute à la mélodie. Et se brise, dans une onde stridente.
Une présence hostile se trouve dans le labyrinthe.

"Dame... l'homme au masque blême attend dans la salle aux vitraux. Il s'est présenté comme étant Jolinar de la Coterie".
Le serviteur, mal à l'aise, ouvrit la porte, déposant rapidement son plateau pendant que je prenais place. Un geste simple suffit pour inviter le Coterain à parler, et il avait des choses à dire.

J'observai l'homme quelques instants. Je tentai de me concentrer sur sa voix et ses gestes, pendant que mon esprit vagabondait sur les runes en cercle de la cave. L'affaire était grave, mais, et si en bas, ça l'était plus encore ...

Du mécontentement, de l'arrogance, et quoi d'autre derrière cet aspect froid ? ....

"Jolinar de la Coterie, il faut du courage et beaucoup d'arrogance pour venir jusqu'ici et traiter vos hôtes avec des paroles impertinentes. Pour cette fois, j'y verrai un signe d'honneur et d'une tentative bien personnelle de faire un geste.
Néanmoins, votre exigence est irrecevable.
Vous portez des accusations graves sans preuves, ni explications, et réclamez une solution surprenante."

Je pris une inspiration ... une autre guerre... je ne pourrai jamais.

"Nous ne payerons pas, nous n'attaquerons pas non plus. S'il existe une autre raison à votre venue, ou si vous avez d'autres éléments à me communiquer, je vous écoute volontiers. "

En bas, sur les dalles immenses, des runes en cercle ....

Messages : 3 Date d'inscription : 31/08/2010

« Madame, reprit Jolinar, je crains fort que vous ne réalisiez pas la situation dans laquelle vous vous trouvez, vous et les autres ménestrels…»

Il marqua une pause.

« Tout en vous écoutant parler, je n’ai pu m’empêcher de remarquer la blancheur de votre teint, et vos cheveux mal peignés… J’en suis même arrivé à me demander si vous n’étiez pas malade. Êtes-vous certaine d’être en état de dialoguer ? Vous me semblez étrangement absente, comme si vous redécouvriez le monde, après des années d’hibernation. Sortez-vous parfois de l’enceinte de ce froid château ? J’imagine que non, et que vous n’avez pas non plus l’habitude de recevoir de la visite. Ceci explique peut-être le fait que vous n’ayez même pas pris la peine de vous présenter… Mais passons sur votre manque de manières. Vous me dites arrogant ? Pourtant, là où vous voyez de l’arrogance, je ne vois que de l’assurance. Vous trouvez mes propos impertinents ? Pourtant dans ma bouche, ils sont teintés du plus grand respect. Madame, je vous prie, écoutez bien mes prochains mots, car la patience n’est pas l’une de mes qualités, et il se pourrait bien qu’ils soient les derniers avant une toute autre forme de discours.»

Jolinar foudroyait du regard celle qu’il croyait être Aramesu la sorcière. Celle qui passait pour être la meneuse de la troupe des ménestrels, ce ramassis de marginaux et de parias sans talent. De vulgaires voyous, pensait-il, qui n’assument pas les conséquences de leurs actes et qui se défilent face au moindre danger.

« Pour reprendre vos propres mots, Madame, les accusations que je porte sont effectivement graves. Et il ne fait aucune doute pour nous que les faits que je décris se sont produits. Vous demandez des preuves ? Nous les avons, car plusieurs Coterains ont été témoins de la scène. Les explications, nous ne les avons pas, et nous les désirons autant que vous. Seul ce chien de pâture de Winog est en mesure de nous les donner… Mais peu importe, à vrai dire. Nous n’attendons pas d’explications. Nous souhaitons une réparation, pour ce que nous savons être une agression caractérisée. La solution proposée est commandée par les lois de la Coterie. Livrez-nous Winog, et l’affront sera réparé. Refusez, et c’est la guerre que vous obtiendrez. Comprenez bien, Madame, que lorsque vous dites refuser de payer, c’est la solution la plus regrettable pour les ménestrels que vous choisissez. Que sont 100 000 gyps, face à la vie de plusieurs de vos… confrères ? D’ailleurs, si Winog, ce fourbe scapin, n’avait ne serait qu’une once de vaillance, il y a longtemps qu’il se serait livré de lui-même, pour vous épargner tout souci. Au lieu de cela, il se cache sous votre jupe et vous bassine de mensonges ! Est-ce là ce que vous voulez ? Protéger ce lâche individu ? Ce furoncle parmi les furoncles ? Réfléchissez encore, et pesez vos mots ! Votre prochaine réponse pourrait bien sceller une guerre qui me semble de plus en plus inéluctable. »

L’Éternel ne souriait plus.

Messages : 3 Date d'inscription : 31/08/2010

Un messager fit soudainement irruption dans la salle. Le souffle court, il avait de toute évidence fait le trajet en toute hâte. Après avoir salué les personnes présentes d'une longue révérence, il s'approcha de Jolinar et lui murmura à l'oreille la raison de sa venue. Sans ciller, l'Éternel rajusta sa cape.

« Il semblerait que nous ayons trouvé un terrain d'entente. Je n'ai donc plus aucune raison de vous importuner, et je vous quitte de ce pas. Madame. »

Jolinar s'inclina légèrement. Puis il se retourna et s'en alla, le pas rapide et la tête haute. En son for intérieur, il souriait. L'affront avait été réparé de la plus belle des façons: la somme de 100 000 gyps l'attendait à la maison.

...Guettant la sortie inopinée du sieur jolinar.
Lorsque le gaillard franchis la porte,je tendis la main et jetais un sort de putréfaction lente qui agit et donne un gout exécrable dans la bouche à chaque fois qu'un mensonge ou qu'une parole odieuse sont prononcés en ces lieux.

- Il est une chose de proférer des élucubrations et des menaces, il en est une autre de manquer de respect à un ménestrel dans sa propre demeure, surtout lorsqu'il s'agit de notre Baronne

Il avait envie de parler apparemment. Était-ce la pénombre ou bien son esprit étrange, il ne se souvenait plus de m'avoir rencontré à plusieurs reprises déjà.

Plus il parlait et moins j'avais de facilité à me concentrer sur les paroles. Néanmoins, j'avais de le devoir d'écouter jusqu'au bout. Je serrais les dents, quand un nouvel intrus vint interrompre sa litanie.
Finalement, après avoir plus longuement parlé que je n'escomptais, les deux hommes prirent très rapidement congé.
Ils ne devaient pas vouloir entendre ce que j'avais à dire.

Dans le couloir, je croisais Winog, qui regardait s'éloigner l'étrange duo.

«Il est très bavard. Et grossier.» fis-je remarquer.

Mon ami marmonna quelque chose. Il était temps de laisser les chiens aboyer autant qu'ils souhaitaient. Plus bas, tapis au fond des souterrains, Ça m'attendait.