Promenons nous dans les .....[Concours RP Mars]

Auteur : Aramesu.
Type : OS, boys'love. Lemon censuré mais je le remettrai peut-être.



Promenons-nous dans les ....


Les sous-bois de la forêt, derrière Gwo, ont fait rêver et frémir des générations d'enfants. Cela a toujours eu lieu, cela aura lieu encore. Quelque soit l'endroit où l'on vit, il existe toujours un «Endroit», celui qu'on écrit avec un grand E, celui qu'on prononce avec un grand E. Il est attirant et effrayant à la fois, et d'autant plus intéressant.
Cet endroit a vu passer des générations d'enfants, il est le gardien de leurs secrets, encore merveilleux, et bien mois innocents que ne le croient les adultes. Il voit aussi ces enfants devenir des hommes, oublier et partir. Il garde en son sein leurs anciens secrètes, ceux qu'ils doivent abandonner. Et, quand la tempête vient, que les enfants se font rares, quand il n'est point de salut dans les rires, l'Endroit rêve. Dans son c?ur, les anciennes chimères que les hommes ont oubliées, restent toujours vivante. L'Endroit n'oublie jamais et il Rêve.


Il rêve des deux garçons, ni trop grands, ni trop petits, farceurs mais gentils, des garçons comme il en existe beaucoup d'autres. Ils sont amis, bien sûr, amis jusqu'à la mort, liés par un serment séculaire, et scellé par l'échange de billes. Ils sont amis depuis toujours aussi, ils ont marché ensemble, poursuivis les chiens ensemble. Ils ont grandi surtout. Bientôt, ils seront des hommes, mais pas encore, il reste un peu de temps. Du temps pour les rêves amer et les douces craintes, du temps pour que les sentiments éclosent, du temps encore pour quelques bravades et folles expéditions.

Jehs avance tranquillement, le pitre ! Loran reste prudemment derrière lui. Bien sûr que c't idiot n'a pas peur. Il est trop bête pour ça ! Jehs n'a jamais peur, enfin, il a peur de la Grand'ma, mais tout le monde a peur de cette montagne de chair et de malveillance, qui ne parle que de bains et des pâtes en croute. Loran déteste le pâté ! Jehs n'a pas peur des gardes, il n'a pas peur des montres, il n'a pas peur du noir non plus. Loran déteste le noir aussi. Jehs est entré dans la crypte, mais Loran a eu peur, alors, il a rit, il s'est moqué de lui et de ses doutes. Un autre que Jehs serait déjà entrain de se tordre de douleur pour avoir offensé la fierté naissante d'un adolescent. Mais Loran n'ose jamais lever la main sur Jehs.

Après avoir rit, Jehs a beaucoup parlé, il a dit des mots comme «logique», «psychologie», «rationnel». Loran ne connait pas ces mots, mais il n'a pas osé l'avouer devant son ami. Et pour l'instant logique ou pas, il crève de trouille, alors que l'autre zouave semble se déplacer comme un poisson dans l'eau parmi les ténèbres. Doucement, Loran se rapproche, il n'aime pas le bruit autour de lui, ni cette impression que tout va l'écraser. Sa main se tend, incertaine, vers son camarde, et agrippe la manche de sa chemise. C'est un geste qu'il n'a plus osé faire depuis longtemps. Qu'il n'aurait jamais osé, s'il n'y avait eu ces ténèbres terrifiantes. L'autre enfant devant, tressaute, s'immobilise, puis repart comme si de rien n'était. Loran expire lourdement.

Il fait tellement froid, Loran a peur, il a mal au ventre, il voudrait partir. Mais, il n'ose pas. Ça serait montrer une faiblesse devant Jehs. C'est impossible. Il se raccroche comme il peut à la main qu'il tient, la main de Jehs, chaude, et assurée, le guide à travers le Noir. S'il lâche la main, il sera seul et peut-être qu'un monstre qui rôde ... les monstres attaquent toujours les garçons comme lui. Jehs ne se ferait pas attaquer. C'est le héros, il a le droit de traverser la forêt. Sans Jehs, Loran, ne pourrait pas venir. Il n'est pas le héros après tout, alors comme il peut, il se raccroche à cette petite main tendue, il continue d'avancer en ravalant ses sanglots.

Le silence, et encore des passages, des tournants, avec pour seul guide, une ombre plus profonde que les ténèbres alentours. Depuis combien de temps sont-ils là ? Et c'est où là ?! Seule la respiration de Jehs, lourde et rauque, rythme leur marche. Il n'y a rien à dire. Jehs ne s'arrête pas, il ne ralentit pas. Sa main, toujours chaude et rassurante guide un Loran embrumé. La faim et la fatigue réclament leur tribut. Le garçon hère, l'esprit ailleurs, avec pour seul lien avec le monde, ce petit talisman à cinq doigts. Il voudrait que tout s'arrête. S'il s'effondrait maintenant, Jehs ferait demi-tour, il sentirait son souffle chaud sur son visage, il le prendrait sûrement dans ses bras ... S'il lâche la main ... S'il se retrouve seul .... Si Jehs ne se retourne pas, et part sans lui ... Seul dans le noir. Alors, il s'agrippe comme il peut à ce petit fanal de chaleur et d'humanité. Il n'est pas assez fort pour Jehs.

Brusquement, le meneur s'arrête, le nez du second vient buter contre son dos. Ils restent quelques instants immobiles dans le noir.

«_ Suffit, Ran, on dort ici, j'en peux plus», déclare Jehs. «J'ai mal aux pieds, j'sais pas comment t'arrives à marcher 'ncore, surtout avec les godillots que t'as».

La voix de Jehs, sonne étrangement dans le silence, discordante lointaine et étouffée. Et s'il réveillait l'un des dieux anciens qui dorment dans le fond de la terre? Mais cette perspective ne semble pas troubler l'enfant. Il s'assoit par terre, dérangeant les cailloux, et pestant contre le monde.
Évidement, Jehs, arriverait à charmer n'importe quel dieu. Non seulement, il s'en tirerait mais il deviendrait aussi un héros ce sagouin ! Loran ne peut protester que dans sa tête. Il n'ose pas. Il couine un vague «c'mme tu veux»,avant de s'assoir à son tour.

Toute idée de fatigue s'est évanoui dans l'esprit de Loran, il sens la chaleur du bras de son camarade contre le sien. Depuis combien de temps n'ont-ils pas passé quelques heures assis à ne rien faire ? Ils le faisaient si souvent avant. Les choses ont tellement changé ces dernières années. Loran le sens, malgré tout, qu'ils perdent leurs rêves et leur cauchemars. Est-ce qu'il viendra un temps, où il oubliera son ami, pour un métier, pour une femme ? Déjà, le rêve dans lequel ils ont vécu se fragmente. Déjà, il y a des choses qu'ils ne se disent plus.

«_ Est-ce ... qu'on va mourir ici ? ... est-ce ...que tu as .. peur, Jehs? ... j'ai peur», murmure Loran, en se penchant légèrement vers son ami. Il ne répond pas immédiatement. Seul l'écho trouble le silence.

«_ J'ai peur aussi, Ran, je ne veux pas mourir», répond enfin Jehs. «Je vais trouver une solution, je ne vais pas te laisser ici. Je ne veux pas que tu meurs non plus» continue-t-il lisant si bien certaines pensées de Loran, et en ignorant d'autres.

«_ Je ... préfère mourir avec toi.»
«_ Moi aussi, Loran.»

Encore sous le choc de ce qu'il a osé dire, et d'autant plus choqué par la réponse inattendue de Jehs, Loran ne bouge plus, écoutant seulement les battements de son propre c?ur. Il médite cette phrase des heures durant. Il devra encore y repenser bien des années après. L'autre garçon a fini par s'endormir, il entend sa respiration calme et régulière. S'il se penchait, rien qu'un tout petit peu, il pourrait sentir son odeur, passer la main sur son front. Y trouverait-il les mèches en bataille qui jouent souvent sur le visage de Jehs ? S'il descendait sa main, il pourrait toucher ses yeux, et ses cils... Il reste pétrifié, regardant les ténèbres, le souffle court. Il tend doucement une petite main qui s'arrête à quelque centimètre du visage. ...

Loran a fini par s'endormir près de son ami, sa main tenant fermement celle de Jehs. Leur sommeil féerique, gardé par les lutins des profondeurs, est encore empreint de la magie enfantine. Mais le rêve aussi doit se briser. Ils se sont réveillé, et ont du repartir dans le labyrinthe, rien ne fut dit à propos des mains. Les garçons finirent pas sortir, épuisé et hagard, de ce monde souterrain. Une main en tenant une autre.
Loran n'a pas osé. Il n'osera peut-être pas demain non plus. Tant de chose ont changé. Il osera un jour les larmes sucrées et les joies amères.
En attendant, l'Endroit garde son secret dans ses rêves sans sommeil.