Le cavalier pâle

C'était sans difficulté que Kamael avait trouvé le domaine des Ménestrels. Le plan que dame Suldrun lui avait donné bien longtemps auparavant était suffisamment précis pour qu'il n'hésita pas un instant quant aux directions à suivre. Ainsi, il arrivait, montant un magnifique cheval noir à la crinière et la queue tressées. Sur ses flancs, deux sacs solidement harnachés contenaient quelques affaires tandis qu'un plus petit était rempli de vivres.

Le nécromant admira quelques instants le château qui se dressait face à lui. On l'y avait invité à deux ou trois reprises et refuser l'invitation pourrait être à terme mal interprété. La pâleur de l'elfe déconcertante aurait de quoi le laisser pour mourant. Était-ce les nombreuses heures enfermé à torturer ou bien son étude poussée des cadavres qui lui donnait cette couleur de peau si particulière ? Lui connaissait bien sûr la réponse. Et aucune des deux précédentes hypothèses n'était juste.

D'un coup sur les flancs de l'animal, l'homme lança sa monture dans un trot aussi élégant que son cavalier afin de continuer son approche à un rythme plus lent. Il espérait en effet pouvoir admirer le paysage si particulier de ces terres avant d'aller visiter leur salle de torture, principale attraction du lieu tant vantée par les occupants des lieux.

Paresseusement affalée sur un coussin de l'Auditorium, je savoure quelques poèmes rédigés par une des me Sœurs. La journée semble paisible, malgré tout, l'agitation habituelle anime le château de cris et d'allées et venues incessants. Je n'y prête qu'une attention très vague, mon esprit absorbé par cette personne, qui l'intriguait depuis tant de mois.

*Je faillis ne pas sentir cette légère vibration dans l'air, une onde basse, vague et diffuse. Une sensation incertaine, comme si les Brumes elles-même n'étaient pas sûres de la chose qui approchait. Un camouflage magique ? L'onde était profonde mais lointaine et étrange, elle n'avait pas l'air agressive, mais cruelle et froide. C'était vraiment étonnant.
Et aucune visiteur n'était attendu...*

Je laisse en plan mes lectures et mes rêveries. L'intrus n'est pas une menace immédiate, cependant je suis devenue méfiante depuis quelques temps. Un étroit escalier m'amène vers la Tours du Ponant, la plus haute du château, d'où je peux observer une petite silhouette montée sur un cheval sombre. Il ou elle ne semble pas pressé d'arriver, flânant en route. Un voyageur égaré qui voudrait contempler le décor ? Pourtant au bout de quelque minutes, il ne fait aucun doute que la cible se dirige vers l'entée du château, n'hésitant qu'une bref instant dans les méandres du Labyrinthe.
Un ami d'un de mes confrères alors …

Redescendant rapidement vers l'aile commune, je demande aux domestiques d'aménager une collation dans les jardins. La salle d'accueil étant déjà un peu occupée, notre visiteur devra se contenter du kiosque. Par la même, je fais mander Suldrun et Bluten au même endroit. Quelque chose me dit que le venue de cet inconnu ne leur est pas étrangère.

Bon, où ne étais-je déjà ?! Ah oui ! Les poèmes ! M'emparant vicieusement des premiers biscuits aux gingembres, je replonge dans les saveurs du miel et de rimes, en attendant que les larbins annoncent mes compères ou le voyageur.

Le Baron flânait paresseusement sur les remparts, le temps était doux et propice à la création de chansons et de poèmes. Pourtant, quelque chose le tracassait, rien n'indiquait une présence hostile...pourtant il sentait ses poils se hérisser à mesure que cette...cette...chose impalpable se rapprochait. Son instinct ne l'avait jamais déçu auparavant et c'est grâce à ce même instinct qu'il a pu survivre aussi longtemps.

Soudain un bruit déchira le silence et l'obscurité, un hennissement qui à en juger la provenance n'était éloigné de quelques encablures. Ainsi donc un cavalier approchait, l'homme se questionna : Qui est-il ? Que vient-il faire ici ? Un envahisseur, un visiteur égaré ? Afin d'obtenir ses réponses Le Baron escalada les créneaux et posa la main sur son fleuret, au moindre geste hostile la personne recevra son dû.

Trottinant, la monture observait le chemin droit devant elle. Kamael admirait le paysage paisiblement. Avec sa lenteur, il ne faisait aucun doute qu'il avait dût être remarqué depuis le temps. Du moins, l'espérait-il pour ses occupants, car il n'avait fait preuve d'aucune discrétion particulière.

Bientôt, le labyrinthe se présenta à lui et le cavalier stoppa sa route. Il se saisit délicatement d'une carte dans une poche latérale et l'observa quelques secondes. Mémorisation faite, il la rangea et s'engagea avec aisance et tranquillité dans ce lieu improbable. Le nécromancien ne manqua pas d'admirer la taille des haies qui maintenait le labyrinthe en état, tout en songeant au travail que devait représenter cette tâche. Ses catacombes étaient bien plus simples à entretenir. Et surtout... surtout il y faisait sombre ! Dieu que ce maudit soleil l'enquiquinait !

Finalement, il sortit enfin de ce piège de verdure qu'un quelconque envahisseur aurait tôt fait de brûler, et s'arrêta devant la porte du château. Devait-il attendre qu'on vienne le cueillir ou s'avancer d'avantage ? Difficile à dire. D'un pas encore plus lent, il s'avança dans la cours, observant autour de lui l'éventuelle apparition d'un garde ou d'un visage connu.

[Je vous prie de m'excuser pour le retard significatif de réponse]

Un des nombreux larbins qui grouillent au château s'approcha du visiteur, l'invitant à entrer. Une fois dans la Cour, d'autres domestiques se chargeraient de son cheval.
Le premier larbin attendit patiemment que le visiteur soit descendu de sa monture et ait pris ses repaires. Il avait vu des gens moins étranges.... cependant, les maitres n'auraient pas aimé qu'il dévisage grossièrement leur invité. Aussi, il fit signe à l'homme de le suivre et le guida vers les Jardins arrières, où attendaient déjà quelques personnes.

....

Malgré les premiers froids de l'automne les Jardins restent encore magnifiquement fleuris, les plantes et les fleurs y poussant de la façon la plus sauvage. Il n'y a que quelques arbres qui entourent un Kiosque ouvert, donnant sur une marre en construction. Le petit bâtiment est plutôt simple, une toit rond de tuiles rouges et des colonnes, avec quelques rideaux de toiles qu'il est possible d'abaisser les jours de pluies. Au centre une longue table et plusieurs fauteuils.
Il n'y a que moi dans ce kiosque pour le moment, et j'ai du mal à ne pas sauter sur le gâteau.

Je laisse le duo s'approcher encore un peu, avant d'interpeler notre invité :

"Messire Kamael, bienvenue. J'espère que le voyage ne fut pas trop difficile ? "

D'un geste, je lui montre l'un des fauteuils, et incline la tête vers le domestique, qui s'esquive.

"_ Je vous en prie prenez place, les autres ne vont pas tarder je pense, ils auront bientôt faim ! Vous aimez les gâteaux ? Car il faudra patienter un peu pour le diner."

[HRP : Navrée pour les fautes et les délais, mais je ne suis pas en grande forme en ce moment, et je laisserai les autres poser la suite des questions]

Le Baron regardait le cavalier se faufiler parmi les haies : Ainsi donc il a franchi le labyrinthe, il a de la ressource ou des relations... On dirait qu'il est déjà à l'intérieur décidément les serviteurs sont trop conviviales ! Bon je vais devoir descendre maintenant. Alors, par où suis-je déjà monté ? La gauche, la droite, le mur ? Bon je vais prendre l'espère de tour biscornu à ma gauche, tous les chemins mènent au rhum comme on dit. Le guerrier sans aucun sens de l'orientation dévala une volée de marches : mais ce n'est pas vrai ça ne finit jamais ce truc ! Une autre volée de marches plus tard : mais sérieux ça devient lourd y'a combien d'étages à la fin !

Puis un flot intense de lumière, une embrasure dans l'escalier ; l'observation d'un cavalier et d'une sorcière : Eh bien eh bien, elle commence sans moi on dirai, je vais devoir me hâter ; on dirait que je n'ai pas le choix... Dans un corridor apparemment désert de bruit et de toute présence humaine une épée fut tirée de son fourreur et rencontra un mur de pierres. Il prit de l'élan beaucoup trop même, dirons certains ; mais le mal était fait et dans les airs il est difficile de contrôler sa direction...

Le mal ou plutôt la douleur était là, car lorsqu'on saute d'une tour il faut s'attendre à ce que la chute soit rude, voici comment apparaît un Baron dans une discussion, tout en finesse et en discrétion...

Kamael esquissa un mince sourire à l'arrivée d'un des serviteurs du palais. Comme prévu, on l'avait repéré. Le nécromancien descendit avec agilité de sa monture puis suivit l'invitation du larbin jusqu'aux jardins arrières qui jouissaient encore d'une magnifique floraison en cette période pourtant fraîche de l'année. Un petit bâtiment fort simple y trônait du haut de ses colonnes et de son petit toit arrondi en tuiles rouges. Dans celui-ci se trouvait la ravissante créature qu'il avait de maintes fois croisé en dehors de ce territoire. Elle l'interpella alors, en l'invitant à s'asseoir.

- " Bonjour Dame Aramesu. Vous êtes resplendissante. Le voyage s'est fort bien passé. Vos routes ne sont pas difficiles à parcourir. "

L'homme s'installa confortablement à la place qu'on lui avait attribuée, et observa les mets sur la table avec un mince sourire. Tout à coup, un homme atterrit de nulle part, sortit des nuages. Kamael arqua un sourcil de surprise sans sursauter néanmoins.

- " Mes salutations Baron. Voici une entrée fracassante. Ne craignez-vous de vous estropier à faire de si remarquables arrivées ? " lui lança-t-il dans un mince sourire.

Se reconcentrant sur la puissance magique face à lui, il reprit :

- " Ma chère, vos jardins sont ravissants. Vos plantes semblent particulièrement bien résister au temps qui se promet frais. ". Il marqua une pause puis demanda : " Dame Suldrun se joindra-t-elle à nous ? "

C'était en effet elle qui l'avait entre autre invité ici et elle semblait maîtriser les arts de la torture. La proposition de lui faire visiter leur nouvelle salle de torture avait été fort alléchante et le sombre elfe espérait bien se la faire présenter.

Je m'apprêtai à répondre, quand un bruit soudain et 80 kilos de Baron, firent leur apparition fracassante dans le jardin. Je sursautai légèrement sur ma chaise. J'espérais qu'il n'avait touché à rien de dangereux. Il ne semblait pas avoir effrayé Kamael en tout cas. Aussi imperturbable qu'un cobra, l'homme aux trains fins s'assit sans plus de cérémonie et jeta en regard poli à la nourriture. Entre lui et le Baron, j'allais encore passer pour une goinfre à loucher sur les Cannelés.
Je me levai pendant que notre visiteur commentait mes plantes et m'approchant du Baron, tirai sur son col. J'espérai extraire la tête ou ce qui en tenait lieu.

«Notre Sully doit être en train d'errer dans le château, à moins qu'elle ne fasse quelques exercices dans sa salle à jouets. J'espère qu'elle viendra reprendre des forces avec nous. Une jolie fleur de plus ne fait jamais de mal dans un jardin.»

Je me demandai si le Baron était blessé … il n'y avait pas de sang.

« Et merci, j'adore les fleurs. Mais je préfère quand elles ne sont pas coupées. Elles sont toutes différentes et étranges, et il y a quelques espèces vraiment étonnantes dans les terres de Subirion. Même s'il faut du temps pour les apprivoiser.»

Apparemment, le Bluten semblait juste sonné. Je lui donnai un coup de pied dans les côtes puis retournai à la table.

«Il semble aussi que l'hiver sera frais. Vous allez être ravis. Je vous vois déjà gambader joyeusement en petit maillot à fanfreluches dans les neiges *sourit*. Après, les fleurs repousseront au printemps. Vous aimez les fleurs ? Pardon, ma question est directe, mais à vos oreilles effilées je me demandais si vous aviez du sang fée quelque part ?...

*petite pause*

_Baron, quand tu auras finir de gémir, viens donc servir un verre à notre invité !»

Je croisais les doigts pour que les autres ne tardent pas trop, la tarte aux plitchis me faisait de l'œil depuis trop longtemps.

Les mains et les vêtements maculés de sang, après plusieurs heures enfermée dans ma salle à m'entraîner avec une arme peu connue sur ces terres, je décidai de remonter dans ma chambre.

Je gravis à la hâte les escaliers menant à celle-ci, évitant par la même occasion de croiser le regard des domestiques que mon apparence aurait pu choquer.

Une toilette rapide, je me rafraichis et enfilais une tenue plus saillante, convenant mieux à mon désir du moment ; sotir du château et sentir le vent sur mon visage.

Je coupais par les jardins, apercevant des silhouettes sous le kiosque. Ma promenade attendrait encore un peu, c'est piquée par la curiosité que je me rendis auprès de l'édifice, voir qui était l'hôte attablé en compagnie d'Aramesu et de Bluten.

"Bonjour Sortcellière et Baron, salutations messire.
Je ne faisais que passer mais l'odeur de cette tarte m'a attirée ici ..."

Je pris un siège à côté d'Aramesu, et m'installais le temps de déguster cette pâtisserie, levais le verre servi par le Baron en signe de bienvenue.

Commençant à se réveiller ce fut ces premiers mots : Ghééé ! T'en loupe pas une pour frapper vieille carne.

L'odieuse sorcière tirant sur son col : Mais c'est pas vrai lâche moi ! Il m'a coûté une fortune tu vas le déchirer ! Au lieux de tirer le col aide moi d'une manière plus utile, une pelle ou enfin bref un truc qui sert à creuser.

Il commençait à se débattre furieusement, saisissant son épée, il la planta dans le sol afin de se créer un point d'appui. Enfin il put s'extraire du sol. Salit le visage et les vêtements maculés de terre il prit le temps de saluer Kamael puis il se tourna vers la sorcière : Merci pour tes "efforts", mais va falloir appeler les maçons il y a comme qui dirai une nouvelle aération près des chambres.

Plantant son épée dans la terre, il s'assit sur le fauteuil le plus proche sans vérifier qu'il était libre ou non. Peu lui importait, les cannelés serai son réconfort. Ignorant de ce fait Aramesu guettant l'occasion de se goinfrer, encore. La sorcière le toisa du regard : A tu les voulais peut-être, comme c'est dommage t'as loupé ta chance.

Telle un sportif il lança l'assiette en direction des remparts...

Hélant un serviteur, je commandais une bouteille de vin, lorsque Suldrun fit son apparition dans une robe de soirée. La bouteille arriva, les verres furent remplit et un toast porté.

Le nécromancien sourit lorsque la maîtresse des lieux parla d'ajouter une nouvelle jolie fleur avec l'arrivée de Dame Suldrun. Cette personne était en effet tout à fait ravissante. Elle aborda ensuite son appréciation des variétés de plantes sur Subirion.

- " Oui, les plantes sont tout à fait magnifiques ici. J'avoue être quelque peu novice à propos de ces végétations. Je ne dois pas connaître plus de la moitié de ces êtres... "

Et pour cause, là d'où il venait, il n'y avait plus de nature. Kamael sourit poliment lorsqu'elle parla de le voir courir en petite tenue dans la neige. Assurément, il préférait le froid. La neige permettait de conserver longtemps des organes et autres corps périssables, ce qui lui laissait davantage de temps pour les étudier. L'été, les études étaient impossibles et l'odeur devenait rapidement dérangeante, même pour quelqu'un comme lui. Lorsqu'Aramesu lui demanda s'il aimait les fleurs, il arqua un sourcil. Quelle question inattendue. Ses oreilles effilées ? Du sang fée ? Etrange.

- " Je suppose que vous parlez de sang elfe Madame. En effet, on doit bien en trouver quelque part en cherchant. " avoua-t-il en un mince sourire. "Quant à mon affection pour les fleurs... Il peut être intéressant de découvrir ce qu'elles nous proposent, hormis leur physique coloré. "

Non pas qu'il y était insensible, mais terre à terre, le nécromancien y voyait surtout une source d'inspiration pour ses projets. A n'en pas douter, les fleurs carnivores l'auraient intéressé s'il connaissait leur existence.

Pendant qu'elle tentait de réveiller le Baron bien mal en point, semblait-il, la ravissante Suldrun arriva. Il répondit d'un mince sourire à la salutation de la dame alors que Sire Bluten finalement en pleine forme venait s'asseoir, quelque peu souillé de terre, et fit venir du vin. Le toast porté, et la dégustation des mets démarrée, Kamael demanda en regardant successivement ses trois hôtes, mue d'une curiosité sincère :

- " Quelle est donc l'histoire de ce magnifique lieu et de ses labyrinthes ? "

Découpant avec douceur sa part de tarte aux plitchis, Kamael découvrit une saveur agréable. Son voyage n'aurait pas été inutile, c'était une certitude.

Je regardais la tarte s'envoler sous mes yeux. Je fronçai à peine un sourcil.

*espèce de sale fils de Tentaculeur borgne et moisi, un jour j'accrocherai ta sale petite tête de pervers sur les remparts et j'y ferai un joli nœud avec tes tripes baronniènes *

Ne jamais s'emporter devant un hôte. Je respirai une grand coup.

«Baron, Barbarde, merci de vous être joins à nous ! Que vos ancêtres veillent sur vous !»

Je levai mon verre et en dégustai une gorgée. J'en profitai pour jeter un œil sur Kamael, son air surpris me disait qu'il ne connaissait pas les fées dont je parlais. Pourtant avec ses traits aiguës et son teint pâle, il faisait un parfait seigneur de la nuit. A croire que certains naissent avec la tête de l'emploi.

" _ Quelle est donc l'histoire de ce magnifique lieu et de ses labyrinthes ? "

La question me surprit. Je me demandai ce qu'il savait déjà, ce qu'il soupçonnai. Je regardai lentement vers Suldrun ou Bluten. Ils faisaient mine de rien. Mais je sentis que c'était à moi de commencer.

«_ Le château est très ancien. Son histoire est aussi longue et complexe, et je ne pense pas tout connaître. Le Labyrinthe … a été crée par moi. C'est ma magie. Peut-être la plus grande œuvre que je laisserai dans ce monde.
C'est un fragment de Rêve.»

Je m'arrêtai un instant. Après tout, je ne parlais pas souvent de ça aux autres Ménestrels non plus.

«_Seul Bluten, qui est à mes côtés depuis longtemps, a connu le château hors des Brumes. Je ne sais pas trop par où commencer. Je sais que cet endroit a été occupé par des troupes lors des premières batailles contre l'Ombre. Peut-être était-ce des humains, peut-être pas. J'ai pu retrouver d'anciens soubassements et des tunnels, de facture militaire sans conteste. Sans compter la salle à jouets de Suldrun. L'endroit est plutôt bien placé, il devait servir d'avant-poste de défense pour Gwardia à une époque.
Je pense que c'est cela qui a décidé mon mentor Phoïbos à acquérir le lieu. Cela se passait, il y a plusieurs dizaines d'années déjà. A ce moment, nous manquions cruellement d'informations sur l'Ombre et ses agissements. Un jour, Phoïbos a dit qu'il fallait trouver la ''lumière qui doit être partagée''. Il a fondé les Ménestrels et fait bâtir ce château, pour eux. L'endroit est né de l'art des nains, et des histoires de premiers Ménestrels.
Je ne puis en être sûre ... mais, je crois que Phoïbos en est mort, en le réalisant. Il y a deux ans, je recevais un homme étrange dans ma demeure, j'héritai d'un château et d'un nouveau but dans des terres que j'avais connues par le passé.»

Je m'arrêtai brusquement, je n'avais que trop parlé déjà. La suite, de toute manière, appartenait aux autres, Gladys, Bluten, Suldrun et Winog, Syria, Shawn, Kederil, mes amis morts. Qui chacun,à leur manière propre avaient donné quelque chose à ce château.

Je me renfonçai dans mon siège, en attendant qu'un autre prenne la parole.

Ma course avait été vaine. Le malandrin que je pourchassais avait fini par s'égarer sur les hauteurs et avait chu lourdement tout en bas de la falaise. Je n'aurais pas eu le plaisir de le punir de son outrecuidance. J'étais en sueur et ma houppelande avait un accroc, mon humeur tendait à ne pas s'accorder avec la beauté du paysage.

Je me décidais à descendre la colline verdoyante, les hautes herbes ondoyaient sous le vent ; j'étais comme un navire au milieu des vagues, filant droit vers son port d'attache. J'avais le chateau en point de mire, il me tardait d'y revenir et prendre un peu de repos

Je franchis le labyrinthe sans encombre. Ce merveilleux dédale inconstant de verdure créé par l'enchanteresse ne remplissait plus assez sa fonction dissuasive à mon gout, peut-être en avait elle voulu ainsi afin que le chateau s'ouvre davantage sur le monde...

C'est le visage grave et les traits tirés que je dépassais le seuil des lourdes portes restées ouvertes en permanence à l'entrée de notre demeure. Je m'avançais d'un pas léger vers les jardins, profitant de la quiétude ambiante. J'écoutais le chant des oiseaux, les notes joyeuses des trilles répétitives des oiseaux me rassérénaient doucement.
J'aperçus alors sous le kiosque, édifice simple de bois tendu de voilages blanc crème, des silhouettes familières, et la voix du baron vociférant me décidèrent à m'approcher un peu plus.

Un nouvel hôte se tenait assis en compagnie de mes amis, son visage ne m'était pas inconnu. Son port altier et sa mise noble semblaient indiquer un gout prononcer pour le raffinement, pourtant dans son regard, je détectais un sentiment plus fallacieux. Je m'en tenais aux règles de la bienséance et saluais tour à tour mes amis terminant par ce dernier convive.

"Salutations Messire...je suis Winog"

Je posais une main sur l'épaule de Suldrun et prenais le siège resté vacant prés d'elle.

Une réponse semblait en suspend, mais j'en ignorais la question. Profitant de cet instant de flottement, je m'enfonçais dans mon siège et c'est un verre à la main que j'observais la scène...

Kamael arqua un sourcil à la réponse de dame Aramesu. Un labyrinthe issu de la magie. Intéressant. Très intéressant. Surtout lorsqu'elle aborda le thème du fragment de Rêve. Le nécromancien écouta tranquillement la suite de l'histoire, somme toute plaisante. Cet endroit avait été un bastion avancé du combat contre l'Ombre.

- "C'est surprenant. Hériter d'un tel bâtiment doit laisser pantois quelque temps, n'est ce pas. Mais parlez moi des arcanes que vous maîtrisez. Comment les avez-vous domptées ? Depuis combien de temps ? "

Sur ces questions arriva un homme qui le salua poliment. L'elfe pâle répondit de la même manière pendant que l'hôte s'installait. Se reconcentrant sur la sorcière, il rajouta :

- " Pardonnez mes questions, je suis un incorrigible curieux... "

Je sentis arriver Winog. Puis je vis sa tête de maquereau fumé. Soit il boudait, soit il avait une autre idée étrange derrière la tête. Dans tous les cas, il était doué pour les deux. Je vis les signes légers de la surprise. Mais il s'avança malgré tout vers nous, saluant notre invité. Allez, c'était une bonne excuse pour lui servir une part de tarte et m'en servir une en douce.

Je restais un peu troublée par ce que j'avais raconté à Kamael. Ce n'était pas un sujet que nous abordions souvent. Il semblait réfléchir aussi.
Avant de m'assaillir d'une vague de question. Je me demandais bien comment y répondre, non pas par manque d'envie, mais je cherchais un début valable. Je décidais de me donner un peu de temps et de satisfaire notre curiosité à tous.

"Héhéhé, c'est vrai que vous êtes bien curieux ! Mais nous les sommes autant ! D'où venez vous ? Ou allez-vous ? ... il faut bien avouer que l'art de la nécromancie est assez peu courant. Et plutôt mal vu dans la plupart des religions d'état."

Je me permis de le dévisager.

"Rassurez-vous, il n'y a plus vraiment de religion chez moi, étonnement pas de nécromancie non plus. C'est une voie étrange de la magie, et difficile, je me demande ce qui a bien pu vous y pousser ?"

La sorcière venait d'esquiver habilement ses questions afin de les lui retourner. Amusé, l'elfe se permit un léger sourire avant de commencer à répondre.

- " La Nécromancie est rejetée car elle maîtrise ce que l'homme ne peut théoriquement pas contrôler. L'homme a peur de la mort. Surtout si ses ennemis sont capables de se relever pour se venger. Ses ennemis, ou les innocents qu'il assassine.", jugea-t-il utile de corriger. " Une armée balayée par une autre se relevant ne serait-il pas un évènement catastrophique pour celle qui pensait avoir gagné ? La mort est l'invincibilité. Les morts-vivants sont de fantastiques guerriers sans peur. Ils ne craignent ni la faim, ni la maladie, ni le froid. Et ils sont dociles ! "

Kamael qui s'était enfoncé dans son siège en parlant, jambes croisées, se redressa soudainement.

- " Les Nécromanciens étaient des surhommes. Et les dieux ne sont les bienvenues que dans le ciel. Sur nos terres, ce sont les mortels qui règnent. Aussi était-il plus rassurant de se liguer contre les grands et de les renvoyer à la terre, ou de les enfermer dans d'autres lieux... ou mondes. Je ne prétends pas être un dieu, pas plus qu'un surhomme. Mais mes arcanes effrayent, comme tout art sombre. Pourtant la mort est un penchant de la vie inévitable. Mais elle est moins agréable à atteindre. De la même façon, ceux qui préparent des poisons doivent-ils être des parias et rejetés ? Certains poisons peuvent devenir des anti-poisons. "

L'elfe pâle se renfonça dans son siège et continua.

- " Ce n'est que lorsque des connaissances sont utiles qu'on apprécie d'avoir quelqu'un qui les ait. Peu importe qu'elles soient "claires", "sombres", "éthiques" ou non. ". Il avait balayé de la main devant lui en citant ces quelques mots. " La Nécromancie a des utilisations éthiques, nécessaires et utiles. Tout comme elle en a des plus dérangeants. Mais si on se focalise sur les mauvais, alors elle n'en aura aucun de bon, naturellement. Ainsi une personne maîtrisant les arcanes blanches de soin serait-elle plus pardonnable de soigner un assassin ? En quoi serait-il naturel de sauver quelqu'un de la mort par la magie avant qu'elle ne succombe à ses blessures, plutôt que la ressusciter après ? Les Hommes s'imposent la limite ainsi : Ce qui est mort est mort et doit le rester. C'est une façon de penser que je respecte, mais que je ne partage pas. Je pourrai au contraire considérer que quelqu'un de malade ou de blesser devrait survivre seul sans médecine ou sans magie. Mais posez la question au mourant qui était contre toute aide magique, et son avis aura étrangement changé. La magie nous offre les soins ou la manipulation des éléments. Pourquoi exclure la mort de ces aspects ? Comme vous vous en douterez, je considère que si nous sommes capables de maîtriser des arcanes dans tous les domaines, il ne faut pas se brider. "

Kamael sourit aimablement à l'assemblée avant de se pencher en avant pour prendre son verre sur la table et boire une gorgée de son contenu.

- " Quant aux raisons qui m'ont poussé à la devenir... Nous avons tous de grands projets. Le mien nécessitera probablement un peu plus d'une vie... "

Sans donner plus de détails, l'elfe reposa son verre. Il avait également esquivé une partie des questions, comme il semblait être de mise ici.

Quel discours ! Tant de fougue et de passion d’un homme de pierre.
Il s’anime dans ses paroles, comme s’il était une autre personne, avec cette lueur folle dans le regard. Sa voix, ses gestes, sa peau même blêmit, il a tout d’un homme qui n’a vécut que pour son rêve. C’est presque drôle de voir tant d’ardeur animer un vivant qui fait l’éloge de la mort. Quant tant de gens sont incapables d’apprécier la vie qu’ils ont …
Je pourrais rester longtemps assise ici à l’écouter parler. Mais il se reprend, il ne veut pas tout dire, après tout il est seul face à des inconnus. S’est-il rendu compte de son envolée ? Il avait sûrement eut à défendre sa cause à de nombreuses reprises dans le passé.

Tout le monde s’est tu. Certains faisant face à leurs propres appréhensions. Bluten bave légèrement, sans doute trop de mots inconnus dans la phrase. Je me dois d’intervenir avant que le silence ne devienne pesant. Pourtant je serai bien restée ainsi à méditer ses paroles.
Je murmure :

« Je ne voulais pas vous froisser. Ma question était pure curiosité, je ne peux pas vous blâmer des vivres vos rêves. Je n’ai aucun malaise devant la mort »
Je me demande encore par où commencer.
« Je ne peux parler que pour moi, car j’ignore beaucoup de chose sur les talents des mes amis. Les sorciers, tel que moi, furent « crées » il y a déjà un certain temps. A ce moment, les crises de religions étaient à leur apogée et beaucoup renoncèrent purement à croire en des Dieux quelconques. Ces gens pourtant continuèrent à Voir et à pouvoir changer des choses de ce monde. Je vous passerai les détails sanglants. Au fur des ans, les dirigeants survivants sélectionnèrent les plus doués, et ils ne leur permirent d’enfanter qu’entre eux. Les déserteurs furent éliminés sans pitié. Ce talent, qui devait appartenir à tous au départ fut perdu par beaucoup alors qu’il croissait en force et intensité dans les dynasties. A ce jour, tout homme peut traverser le voile des rêves, seuls quelques uns développèrent les talents pour aller plus loin et explorer toutes les facettes de ce que nous appelons à tort le Rêve.
Dans l’Empire, la force, la fortune, le talent, tout cela revient au plus apte à le prendre. Les Sorciers se firent maitres du pouvoir, et tout faillit dégénérer. Quand des hommes aussi puissants se côtoient, chaque jour est un danger. Vous commencez à comprendre ? C’est de là que naquit la philosophie de l’Empire, cette étiquette poussée à l’extrême, cette croyance que chaque individu est libre de sa voie même la plus abjecte …si on met en relation deux personnes capables d’anéantir une ville, la moindre parole peut être fatale. Il n’y a pas plus rigide qu’un enfant né avant la guerre. Car chacun des nous croit à l’Equilibre d’une façon absurde. Nous avons longtemps redouté que ce surplus de pouvoir n’amène des catastrophes irréparables.
Les sorciers se bridèrent eux-mêmes car ils ne devaient jamais intervenir dans les faits des peuples, de peur de tout briser. Mes compères vous regarderont vous tailler les veines sans broncher pour préserver cet Équilibre. »
J’avais gardé les yeux clos, me remémorant derrière les paupières les folies de ce monde.
« Quand l’Ombre porta sa première attaque, l’Empire faillit s’effondrer avant qu’il ne soit autorisé aux sorciers de riposter. Il nous a aussi fallut tuer un Empereur ».

«Il me semble que j’ai répondu à bien des questions ? Dis-je en souriant. Et j’ai du en endormir plus d’un»